9.07.2011

Etre arabe pourrait revenir à la mode

Un Français sur deux a une meilleure image des arabes et du monde arabe en général depuis 2011, d'après une étude Ifop pour Courrier International/Tati. Une retombée directe des "révolutions de jasmin" selon un analyste.

Il faut croire que les évènements survenus récemment au Maghreb et au Moyen-Orient changent totalement la perception de l'identité arabe par les citoyens français. Réalisée selon la méthode des quotas par l'Ifop pour Courrier International et les magasins Tati, l'étude porte sur une population française de souche ou assimilée âgée de 18 à 55 ans. Les résultats, publiés au Journal Officiel ce mardi, démontrent notamment que c'est l'actualité qui influence l'image des populations arabes, celles ci étant confondues avec les populations d'origine maghrébine vivant en France. "Pour les personnes interrogées, on constate une confusion entre l'origine ethnique, l'origine géographique et la confession religieuse" remarque Yves-Marie Cann, directeur d'études. Etre arabe, c'est forcément être musulman pour un tiers des personnes interrogées : ce n'est bien sûr pas le seul enseignement que l'Ifop tire de cette enquête.

Evolution de la perception de l'image des populations arabes (en vert) de 1995 à 2011.
A titre de comparaison, évolution de l'image perçue des populations portugaises (en rouge) 
et des "normaux" (en bleu).
 
L'image de "l'Arabe" telle que perçue par les Français, semble en effet varier de "très bien" en 1998 lors de la victoire de l'équipe de France à la Coupe du Monde de football, à "pas bien" le 11 septembre 2001, lors des attaques terroristes contre le World Trade Center et le Pentagone. Une évolution conjoncturelle, puisqu'elle chute avec les émeutes de banlieue en 2005, s'améliore en janvier 2011 avec le soulèvement de la population tunisienne, culminant jusqu'à 70 % d'opinions positives (voir schéma), mais après s'être fortement dégradée en 2010 avec la défaite de l'équipe de France au Mondial de football. Le nom de Franck Ribery a d'ailleurs été cité plusieurs fois par les participants de l'étude comme représentant des personnalités arabes les plus négatives. Ce n'est pas sans conséquences sur la vie sociale de nos concitoyens français d'origine arabo-maghrébine selon Jean-Christophe Sciberras, président de l'Association Nationale des Directeurs en Ressources Humaines (ANDRH) : "On note depuis début 2011 une nette augmentation des recrutements de salariés d'origine arabe dans le secteur tertiaire". En fait, une amélioration due à la politique d'intégration menée par le gouvernement Sarkozy avant même son accession au pouvoir. Même l'émergence de Rachida Dati en tant que personnalité politique n'a pas dégradé cette représentation. Et cela malgré ses interventions désastreuses et la publication de son autobiographie "Moi Rachida Dati, fille de maghrébins, Ministre de la Justice et wesh ?".

Saïd Tagmahoui dans le prochain James Bond

Un mieux également perceptible dans le monde du spectacle et ce, à un niveau international. En particulier pour Saïd Tagmahoui, acteur français d'origine marocaine exilé par nécessité à Hollywood mais là aussi cantonné à des rôles subalternes... jusqu'à dernièrement. Révélé par son interprétation de petit voyou dans La Haine (Mathieu Kassovitz, 1995), l'acteur qui a grandi dans une cité sensible de Villepinte en Seine-Saint-Denis, s'est contenté pendant des années de jouer des personnages secondaires dans les films américains. Au mieux des "gentils arabes", au pire des terroristes comme dans Trahison (Jeffrey Nachmanoff, 2008) ainsi que dans Angles d'attaque (Pete Travis, 2008) ou plus récemment un voleur dans Conan (Marcus Nispel, 2011).Depuis janvier 2011, date de soulèvement de la population tunisienne, Tagmahoui affirme recevoir des scénarios pour lesquels on lui propose "le rôle principal". A tel point que l'acteur de 38 ans susurre à demi-mots qu'il pourrait prochainement interpréter le célèbre agent secret 007, personnage autrefois réservé exclusivement aux comédiens britanniques. Mais "plus fort encore", Tagmahoui note un afflux de proposition de rôles intéressants venant cette fois de producteurs... français. "Les temps changent" selon l'acteur. On aimerait le croire.

Mehdi Belhadj Kacem, philosophe et arabe
"Les révolutions arabes, une question d'éthique et d'esthétique." (photo : Olivier Roller)

Sauf que le cinéma, ce n'est pas la vie de tous les jours. L'ANDRH rappelle que si l'image des arabes s'améliore au sein de la société française, il faut relativiser cette évolution. Notamment parce que "aucun chef d'entreprise n'aimerait avoir un Mohamed Bouazizi dans son C.E., prêt à s'immoler pour une question d'heures supplémentaires non payées". Mieux vaudrait ne pas insister dans un CV sur ses origines arabes, malgré ou surtout à cause des révolutions égyptiennes, libyennes et syriennes. "Même si ça fait partie de notre culture et qu'on aime bien tout ce qui est démocratie, liberté d'expression et tout ça, en France on n'aime pas les emmerdeurs" jette crument un recruteur qui préfère garder l'anonymat. Globalement, dans le milieu du travail, mieux vaut ne pas avoir l'air trop maghrébin. Malgré, et peut-être finalement à cause de cette aspiration à disposer d'elle même, ce qu'on appelait encore hier "la rue arabe" continue de faire peur à certains. Car le risque existe que les "révolutions arabes" se transforment en "révolutions françaises". Mehdi Belhadj Kacem, philosophe et auteur entre autres de l'essai "Le Marxisme, un marché de Nietsche ?", préfère pondérer les résultats de l'étude de l'Ifop : "il n'est pas sûr qu'être arabe ait déjà été à la mode. Peut-être dans les années 80, lorsque le genre blond, alors courant dans les photos de mode et dans les pubs, fut remplacé par le brun à moustache. Alors à cette époque les arabes ont sans doute représenté le dernier bastion de la virilité masculine, pour les femmes françaises s'entend". Pour le jeune homme né à Tunis, et au look très occidental malgré ses origines, le soulèvement arabe est surtout "une question d'éthique et d'esthétique" : "être à la mode aujourd'hui, c'est porter des cheveux longs, des pulls en col V, et des jeans slims. La révolte, arabe ou pas, c'est d'abord une histoire d'adolescents. Attendons que ces peuples atteignent l'âge adulte". Et Yves-Marie Cann de l'Ifop de rappeler une règle essentielle des études d'opinion : "ce sont les perceptions qui comptent, et ce sont elles qui finissent par construire la réalité". CQFD.  (Reportage : Djehida Zrek)

 
"Une nette amélioriation de l'image des arabes depuis les révoltes de 2011"
Ci-dessus, appel à la contestation pacifique au Maroc.

2 commentaires:

  1. Hé mais c koi cette étude de bidochons ???

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  2. C'est vrai, on a la côte en ce moment, d'ailleurs mon cousin Abbas vient d'être casté pour jouer le rôle de David Vincent dans la nouvelle version des Envahisseurs, c'est dire.

    Pour faire mentir votre analyse de l'évolution conjoncturelle, ce sont justement les tristes événements de Clichy sous Bois qui auraient poussé Dc Comics à "créer" Nightrunner, un associé Clichois, d'origine Algérienne et Musulman de ... Batman !

    Un petit lien http://bit.ly/erXrBv.

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