9.29.2011

Le plagiat, fausse nouvelle tendance




Copyright True/Faux 2011.

Gesticulation esthétique ou manque inadmissible à l'éthique, le mot "plagiat" éclate tous les trois mois dans les colonnes des journaux. 

De Marie Darrieussecq accusée de plagiat psychique à Joseph Macé-Scaron, de PPDA plagiaire d'une bio d'Hemingway, la journaliste Jennifer Lesieur recopiant celle de Mishima au ministre allemand, Karl-Théodor Zu Guttenberg, plagiant des essais... le plagiat est devenu plus qu'une récurrence : le nouveau mot tendance dans le milieu médiatique et littéraire.

Le plagiat, nouvelle tendance ? A force d'avoir les oreilles rebattues avec le plagiat par-ci et le plagiat par-là, nous-même, ces jours-ci, nous sommes retrouvé saisi de bouffées d'angoisse paranoïaque à la vue d'un article ressemblant un peu trop au nôtre. Par ailleurs, on ne le dit pas assez, mais il faut bien reconnaître un talent au plagiaire : être fin lecteur. Il lit les textes des autres et en repère les morceaux qui pourraient étayer son propos.


Giacometti (à gauche) était "fasciné" par les Etrusques (à droite)

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Le danger qui guette la littérature et tous les arts en général n'est pas le plagiat mais la légitimation du plagiat par des prétextes fallacieux, esthétiques ou idéologiques. On parle alors d' "ancestralité", d'intertextualité, d'un hommage, voire un service rendu pour offrir à l'oeuvre copiée une plus large audience. Quand les périphrases ne suffisent plus, le corporatisme des prédateurs de public produit une défense habillée des atours d'une théorie intellectuelle. Ainsi, Valentine Goby, Gaëlle Oblégly, Véronique Ovaldé, Chritian Garcin, Yves Pagès et Camille de Toledo font leur "coming-out" de copieurs en publiant (dans la revue Décapages) un dossier intitulé "J'avoue, j'ai plagié. Pas vous ?", titre d'ailleurs inspiré d'un vers du plus célèbre des copieurs, Gainsbourg. Or n'est pas Picasso qui veut, et se défendre des accusations demandent un vrai talent ou beaucoup d'appuis. 

La copie, puisqu'il faut appeler un chat un chat, n'est pas une nouvelle tendance mais un vrai mouvement de fond qui dépasse les limites de l'espace, du temps et de la morale. Pour appuyer leurs arguments, les petits copieurs peuvent invoquer les grands noms de la création au détriment de noms encore plus petits que le leur, des anonymes dont on prend un bout de texte, une partition entière, un volume, voire même l'essence de l'oeuvre. Tant que cela reste dans des petits milieux boursouflés d'égos, et dont le monde réel se contrefiche... (Texte : Djehida Zrek, photos et vidéos : DR). 

Serge Gainsbourg (copie) vs Baba Olatunji (original).


9.28.2011

Le ticket de métro pourrait coûter moitié moins cher !

De 1982 à 2011, la RATP a dépensé 5 milliards de dollars en pub et en équipements "anti-fraude".

La rumeur est peut-être un peu grosse pour être prise au sérieux mais déjà les couloirs du métro bruissent et s'agitent. En effet, cette réduction de 60 pour cent du prix des transports à Paris pourrait changer la vie de trois millions de citoyens et presque autant d'usagers. L'idée à germé au sein d'une réunion syndicale "de base" où, selon nos informations, un stagiaire non-indemnisé a émis l'idée "d'ajuster" le prix du ticket proportionnellement à l'augmentation de la surface publicitaire calculée sur les 30 dernières années. Une surface qui a triplé puis quadruplé entre 1995 et 2010 notamment via la distribution des quotidiens gratuits, comptabilisés comme espaces publicitaires, la revente des données des pass Navigo à des fins commerciales et statistiques et la multiplication des écrans numériques. Il a été également suggéré de geler voire de redistribuer les fonds alloués à l'achat de nouveaux portiques "anti-fraudes" et d'une nouvelle campagne de communication sur les "incivilités", qui s'avère plus coûteux que le mal qu'ils sont censés soigner. La RATP étant en pleine guerre de l'information, certains supposent que cette rumeur sert à étouffer l'impressionnante quantité (et qualité) de scandales dont elle fait l'objet en ce moment. Mais si elle s'avérait exacte, les parisiens auraient enfin une raison de sourire dans leur métro quotidien. (crédit photo : RATP/Joe La Chaussure)

9.15.2011

Le point sur l'actualité surréelle du 16 septembre 2011

Martin Luther King avait trop de rêves pour être vrai (photo : DR).


Martin Luther King était "quelqu'un de faux" : c'est Jackie Kennedy qui l'affirme dans des enregistrements rendus publics par sa fille. Elle tenait cette information d'un spécialiste de la vérité, Edgard Hoover, créateur et patron du FBI. Le monde découvre la vraie personnalité de l'ex-première dame des Etats-Unis presque 20 ans après sa mort, et après qu'elle ait inspiré jusqu'à l'attitude de la première dame de France, Carla Bruni-Sarkozy. L'alpha-femelle présidentielle, chanteuse à ses heures, femme de gauche à ses minutes, n'est pas programmée sur la scène de la "Fête de l'Huma", grand rassemblement populaire et anticapitaliste mais pas trop, à en croire l'affiche : Nolwenn Leroy, issue de la Star Academy de TF1, produite par Universal, et Avril Lavigne, canadienne de chez Sony BMG, même maison que Yannick Noah venu faire la promotion de sa tournée, feront entendre leur message de révolte et d'espoir à la Courneuve, mairie communiste en charge de la fameuse cité des 4000 dont la majeure partie des habitants seront exclus de cette fête à cause d'un prix d'entrée prohibitif et d'un programme à côté de leur plaque. Les 4000, quartier où l'actuel président français fit une vraie promesse de candidat : "nettoyer la racaille au kärcher". Le nettoyage, c'est la bonne action d'Apple qui a retiré très rapidement l'application "Juif ou pas Juif ?" de son magasin, confirmant ainsi que ce n'était pas un canular, tout en maintenant l'encyclopédie Adolf Hitler. Enfin, sans doute pour faire suite à notre article sur l'effet bénéfique du crack sur la migraine, la presse a publié les résultats d'une étude portant sur la relation entre cannabis et obésité. Statistiquement, les fumeurs de cannabis seraient moins sujets à l'obésité que les non-fumeurs. Signalons qu'il en va de même pour les consommateurs d'héroïne. Des analyses de ce type, sur tous les sujets, paraissent régulièrement sans faire l'objet de critiques ou de contre-enquête, et finissent par construire une image fumeuse de la réalité. La communauté scientifique et les médias pourraient songer un jour à remettre en question leurs conclusions abracadabrantes. Une mission que les journalistes de la rédaction de True/Faux n'ont pas vocation à accomplir.

Le Figaro veut sa "Fête de l'Huma"

La Une du Figaro du 27 décembre 2009, à gauche un café-noisette.


L'un des derniers quotidiens français encore imprimé sur papier aurait l'intention d'organiser une grande fête, à l'image de son concurrent de gauche L'Humanité qui donne rendez-vous aux Français tous les ans à La Courneuve. Le directoire du Figaro aurait eu recours aux services d'une agence événementielle pour définir le contenu de ce qui se veut être un grand rassemblement populaire au-delà des clivages politiques et sociaux. D'après les quelques informations qui ont fuité, il est probable que cette fête se déroule le dernier week-end d'octobre dans le Parc Monceau, au coeur du  quartier le plus chic de Paris. Des débats, des rencontres, du théâtre et des animations sont au programme. La "fête du Figaro" dont le nom n'a pas encore été choisi, fera elle aussi la part belle à la musique et à l'humour : les BB Brunes, Lââm, MC Solaar, Charles Aznavour, Jean-Pax, Britney Spears, Jamiroquai, Laurent Gerra et Dominique Farrugia sont annoncés. Afin de s'aligner avec son concurrent de gauche, tout en restant accessible à tous, le prix d'entrée serait fixé à 85 euros pour trois jours. Une programmation assez cohérente avec l'identité du quotidien qui fut d'abord un journal satirique à sa création en 1826, avant d'être racheté par le groupe d'armement Dassault en guise d'ultime pied de nez à ses origines. (Texte : DZ, photo : droits réservés)


"Solidarité" de Jean-Pax, tête d'affiche de "La fête du Figaro"

9.13.2011

Apple : l'antisémitisme appliqué aux applications

Captures d'écrans de l'application "Juif ou pas Juif" sur l'Apple Store.

La boutique électronique d'Apple met en vente une application qui permet de vérifier, connaître et renseigner sur les origines ou la judéité des personnalités publiques.

Reçue ce matin via notre correspondant hi-tech, l'information n'a pas manqué de susciter le doute au sein même de la rédaction de True/Faux. Après avoir mis en ligne une appli à caractère homophobe, la marque si populaire depuis la sortie de l'Ipod et l'Iphone, semble avoir décidé de dépasser à la fois les frontières du réel et celles de la loi. Le descriptif de l'application sur le site officiel de la marque fait froid dans le dos : "Listées pour vous des milliers de personnalités juives (de part leur mère), à "moitié juive" (de part leur père), ou converties. Représentant plus de 50 pays, elles sont regroupées dans des catégories variées comme le cinéma, la musique, le business, les prix Nobels, les journalistes, les politiciens, les scientifiques, les sportifs etc…". Un rappel terrible aux heures les plus sombres de l'histoire de l'Humanité, et en particulier de l'histoire de France encore récente. Le programme s'appuie sur des données publiées sur le net, mais compte également sur ses utilisateurs pour enrichir sa base de données, le tout "dans le simple but de divertir" et "pour le prix d'un café !" (sic). Alors que les développeurs reprochent à la marque à la pomme son manque de cohérence éditoriale, celle-ci engage sa responsabilité et risque 300 000 euros d'amende et 5 ans de prison, prévient sur Twitter Maître Eolas, bloggeur et avocat. Selon un observateur, pour une fois "antisémites et communautaristes sont réunis sur un même écran". Après la publication maintenue d'une encyclopédie dédiée à Hitler, il est probable que ce nouvel épisode soit la goutte d'eau qui fasse déborder la vase, et tâche à jamais l'image de l'entreprise. (Michael Gormond, photo : Apple store)

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Le prochain Moebius ne sera pas signé Moebius

Bande-annonce de Arjun Prince Guerrier, de Moebius alias Arnab Chauduri

Le maître de la bande-dessinée fantastique est sur le point de sortir un film d'animation entièrement produit en Inde. Arjun Prince Guerrier, qui raconte un épisode de la mythologie indienne, ne sera malheureusement pas distribué en France, et plus étonnant encore, ne sera même pas signé Moebius. La raison nous a été donnée par son producteur Ronnie Screwvala : "En Inde, Arjun est un héros connu de tous, petits et grands. Ce qui représente un marché potentiel de quasiment un milliard d'individus, en excluant bien sûr les aveugles, les mendiants et les Intouchables qui sont de fait exclus des salles de cinéma". Pour  Screwvala, les 60 millions de français sont un public négligeable qui ne vaudrait pas la peine d'engager des frais en traduction et promotion. Le génie français, auteur d'une variation remarquable du Surfer d'Argent mais aussi du Garage Hermétique, a-t-il consenti à abandonner ses droits ? Que nenni : "Monsieur Jean Giraud, alias Moebius est habitué à prendre des pseudonymes, nous lui avons simplement demandé d'en choisir un nouveau, plus en résonance avec la culture indienne à laquelle il a déjà tant emprunté" affirme le producteur. Fin septembre, les cinéphiles indiens pourront donc se régaler d'un potentiel chef d'oeuvre signé Arnab Chauduri. Pour le reste du monde, et en particulier pour ce petit village qu'on appelle France, il faudra attendre sans doute le téléchargement illégal et qu'une communauté de fansubbers (auteurs de sous-titres non professionnels) le traduise et le sous-titre. (Texte : Antoine Ono-dit-Bio)

9.11.2011

Un cadre d'Al Qaeda : "la théorie du complot est un non-sens absolu"


Dix ans plus tard, le mégacosme médiatique américain est encore agité de débats sur les responsabilités dans les attaques du 11 septembre 2001. Mais cette fois, c'est un cadre d'Al Qaeda qui le confirme définitivement : "la théorie du complot est ridicule". 

The Onion News Network, chaîne d'information continue respectée outre-atlantique et proche des Républicains, a organisé un court débat entre deux personnalités sulfureuses. William Gerard, "véritationniste" auteur de La vérité sur le 11 septembre qui remet en cause les responsabilités des agences de renseignement américaines, et Omar Al-Farouq, militant et porte-parole d'Al Qaeda pour la zone Amérique du Nord, se sont affrontés sur le plateau de l'émission Newsroom de Michael Bannon. Le premier défend sans complexe la théorie de la conspiration dont les arguments sont déjà malheureusement trop bien connus pour les répéter ici. Bien plus intéressante est l'intervention d'Al-Farouq : "j'ai fait les recherches moi-même (...), plutôt que placer des explosifs dans les tours, il était plus efficace de lancer des avions dessus pour les faire s'écrouler". Accusé par son détracteur de "manquer d'ouverture d'esprit" et saisi par l'émotion, le terroriste s'emporte très vite : "on passe des mois dans des grottes, à dormir sur des rochers, à préparer quelque chose de vraiment spécial, ce n'est pas pour se voir voler la vedette par quelqu'un d'autre. (...) Bien sûr que nous avions des intérêts communs avec l'administration Bush, mais cela ne suffit pas à expliquer pourquoi les Américains auraient sacrifié 3000 de leurs citoyens". Il reste en effet trop de zones d'ombres encore aujourd'hui pour rendre crédible la théorie de ceux qui se sont appelés les "véritationnistes". Pour des questions de droits, nous ne pouvons reproduire plus d'extraits de ces interventions, tout au plus vous offrir la vidéo du débat en anglais non sous-titré. (La Rédaction de True/Faux avec ONN)

9.10.2011

Il y a dix ans et un jour : Massoud l'Afghan

De gauche à droite : le Commandant Massoud et Christophe de Ponfilly.

Ahmad Shah Massoud (2 septembre 1953 – 9 septembre 2001), fréquemment appelé Commandant Massoud, était le commandant de l'Alliance du Nord afghane, du Jamiat-Islami et chef de l'Armée islamique, une armée ayant combattu contre l'occupation soviétique puis le régime des talibans de 1996 à 2001. Il est tué dans un attentat suicide le 9 septembre 2001 à Khwadja Bahauddin, dans la province de Takhar au nord-est de l'Afghanistan. Les auteurs de l'attentat, les Tunisiens Dahmane Abd el-Sattar et Rachid Bouraoui el-Ouaer, avaient pu l'approcher en se faisant passer pour des journalistes munis de faux passeports belges et d'une caméra volée à Grenoble à un reporter français. Sa mort a précédé de deux jours les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, et les deux événements semblent coordonnés. Une lettre de recommandation du journaliste Karim Touzani (pseudonyme utilisé par Dahmane Abd el-Sattar) adressée à Massoud avait été tapée en mai 2001 sur un ordinateur utilisé par Ayman al-Zawahiri et Mohammed Atef, membres actifs d'Al Qaïda. À plusieurs reprises, Massoud avait essayé d'attirer l'attention de la communauté internationale sur le danger représenté par Oussama Ben Laden et, selon certaines sources, préparait même une confrontation d'importance avec l'appui des États-Unis contre les Talibans et Al Qaïda. En 1998, l'auteur-réalisateur français Christophe de Ponfilly lui a consacré un documentaire qu'il introduit de ces mots : "Dans le tumulte d'images et de sons du monde moderne, tenir une caméra a-t-il encore un sens ? (...) J'allai rencontrer des hommes remarquables dont le commandant Massoud, pas des héros de pacotille ni des produits de marketing comme on nous en fabrique tant aujourd'hui. J'ai rassemblé les traces de cette singulière aventure pour survivre à tout ce bluff qui nous entoure, et pour quelque chose de plus précieux que je vais vous confier". De Ponfilly s'est donné la mort quelques mois avant la sortie de son premier film de fiction, le 26 mai 2006, d'une balle dans la tête selon la rumeur, vaincu par le désespoir et l'indifférence du monde qu'il dénonçait. (texte : Michael Gormond avec Wikipedia, photo : Interscoop). 

Extrait du documentaire "Massoud l'Afghan" de Christophe de Ponfilly

L'alcoolisme pour faire vendre des jeans


Les "pionniers du futurs" selon une marque de jeans.

Une publicité pour une marque de jeans a déclenché les foudres de la section québecoise de l'association des Alcooliques Anonymes. Et pour cause, le spot de 20 secondes diffusé dans le monde entier montre des images de jeunes gens très léchées illustrées par un poème de Charles Bukowski, célèbre pour ses talents d'écrivains mais aussi et surtout pour ses excès de boisson. Une voix-off assène les vers de The Laughing Heart, un texte d'une rare beauté qui incite à la vie et à "l'insoumission". L'agence de publicité américaine Wieden & Kennedy qui a fait de la rébellion et de l'irrévérence son positionnement commercial, évoque quant à elle son droit et celui de son client à la liberté d'expression, tandis que la profession salut le courage créatif et le caractère prophétique du spot annonciateur du mouvement des Indignés britanniques. Héléna Bukowski, fille de l'auteur de Factotum et Les Contes de la folie ordinaire décédé en 1989, a affirmé que de son vivant son père "signait n'importe quel contrat publicitaire, cela sans aucun scrupule, mais aussi sans même avoir la conscience de le faire". C'est à lui que doit la marque Jack Daniel's d'être connue et consommée par plusieurs générations d'écrivains, d'artistes et de journalistes dépressifs. Pourtant lucide à la fin de sa vie, terrassé par une cirrhose aigüe, Bukowski, alias "l'homme qui bu-kowskivait plus vite que son ombre" comme l'avait surnommé le milieu littéraire francophone avec affection, avait fait graver sur sa tombe un ultime avertissement à tous ceux qui marcheraient dans ses pas : "Don't try" ("N'essaie pas"). L'agence de publicité ne manquant pas d'ironie, a baptisé sa campagne "Héritage". ( Texte : S.B.)

 
Charles Bukowski sur le plateau de l'émission Apostrophe (1979)

True/Faux s'ouvre aux commentaires des lecteurs

A l'unanimité, mais après un débat houleux notamment au sujet des implications économiques*, la rédaction de True/Faux a décidé d'ouvrir ses pages aux commentaires. Précisons à l'adresse de nos lecteurs que, comme tout journal en ligne existant, nous n'avons absolument rien à faire de vos opinions. Elles ne nous intéressent que dans la perspective de susciter du trafic et de l'audience sur notre site dans l'espoir de vendre un jour des espaces publicitaires à prix d'or. Merci cependant de respecter les règles de l'Ethique du Net telles qu'éditées par l'ONU et l'Icaan en 1972 (cf. références).  - La rédaction

* La modération des commentaires nous oblige à dédier un poste unique à cette tâche et donc rémunérer une personne voire embaucher un stagiaire.

9.07.2011

Etre arabe pourrait revenir à la mode

Un Français sur deux a une meilleure image des arabes et du monde arabe en général depuis 2011, d'après une étude Ifop pour Courrier International/Tati. Une retombée directe des "révolutions de jasmin" selon un analyste.

Il faut croire que les évènements survenus récemment au Maghreb et au Moyen-Orient changent totalement la perception de l'identité arabe par les citoyens français. Réalisée selon la méthode des quotas par l'Ifop pour Courrier International et les magasins Tati, l'étude porte sur une population française de souche ou assimilée âgée de 18 à 55 ans. Les résultats, publiés au Journal Officiel ce mardi, démontrent notamment que c'est l'actualité qui influence l'image des populations arabes, celles ci étant confondues avec les populations d'origine maghrébine vivant en France. "Pour les personnes interrogées, on constate une confusion entre l'origine ethnique, l'origine géographique et la confession religieuse" remarque Yves-Marie Cann, directeur d'études. Etre arabe, c'est forcément être musulman pour un tiers des personnes interrogées : ce n'est bien sûr pas le seul enseignement que l'Ifop tire de cette enquête.

Evolution de la perception de l'image des populations arabes (en vert) de 1995 à 2011.
A titre de comparaison, évolution de l'image perçue des populations portugaises (en rouge) 
et des "normaux" (en bleu).
 
L'image de "l'Arabe" telle que perçue par les Français, semble en effet varier de "très bien" en 1998 lors de la victoire de l'équipe de France à la Coupe du Monde de football, à "pas bien" le 11 septembre 2001, lors des attaques terroristes contre le World Trade Center et le Pentagone. Une évolution conjoncturelle, puisqu'elle chute avec les émeutes de banlieue en 2005, s'améliore en janvier 2011 avec le soulèvement de la population tunisienne, culminant jusqu'à 70 % d'opinions positives (voir schéma), mais après s'être fortement dégradée en 2010 avec la défaite de l'équipe de France au Mondial de football. Le nom de Franck Ribery a d'ailleurs été cité plusieurs fois par les participants de l'étude comme représentant des personnalités arabes les plus négatives. Ce n'est pas sans conséquences sur la vie sociale de nos concitoyens français d'origine arabo-maghrébine selon Jean-Christophe Sciberras, président de l'Association Nationale des Directeurs en Ressources Humaines (ANDRH) : "On note depuis début 2011 une nette augmentation des recrutements de salariés d'origine arabe dans le secteur tertiaire". En fait, une amélioration due à la politique d'intégration menée par le gouvernement Sarkozy avant même son accession au pouvoir. Même l'émergence de Rachida Dati en tant que personnalité politique n'a pas dégradé cette représentation. Et cela malgré ses interventions désastreuses et la publication de son autobiographie "Moi Rachida Dati, fille de maghrébins, Ministre de la Justice et wesh ?".

Saïd Tagmahoui dans le prochain James Bond

Un mieux également perceptible dans le monde du spectacle et ce, à un niveau international. En particulier pour Saïd Tagmahoui, acteur français d'origine marocaine exilé par nécessité à Hollywood mais là aussi cantonné à des rôles subalternes... jusqu'à dernièrement. Révélé par son interprétation de petit voyou dans La Haine (Mathieu Kassovitz, 1995), l'acteur qui a grandi dans une cité sensible de Villepinte en Seine-Saint-Denis, s'est contenté pendant des années de jouer des personnages secondaires dans les films américains. Au mieux des "gentils arabes", au pire des terroristes comme dans Trahison (Jeffrey Nachmanoff, 2008) ainsi que dans Angles d'attaque (Pete Travis, 2008) ou plus récemment un voleur dans Conan (Marcus Nispel, 2011).Depuis janvier 2011, date de soulèvement de la population tunisienne, Tagmahoui affirme recevoir des scénarios pour lesquels on lui propose "le rôle principal". A tel point que l'acteur de 38 ans susurre à demi-mots qu'il pourrait prochainement interpréter le célèbre agent secret 007, personnage autrefois réservé exclusivement aux comédiens britanniques. Mais "plus fort encore", Tagmahoui note un afflux de proposition de rôles intéressants venant cette fois de producteurs... français. "Les temps changent" selon l'acteur. On aimerait le croire.

Mehdi Belhadj Kacem, philosophe et arabe
"Les révolutions arabes, une question d'éthique et d'esthétique." (photo : Olivier Roller)

Sauf que le cinéma, ce n'est pas la vie de tous les jours. L'ANDRH rappelle que si l'image des arabes s'améliore au sein de la société française, il faut relativiser cette évolution. Notamment parce que "aucun chef d'entreprise n'aimerait avoir un Mohamed Bouazizi dans son C.E., prêt à s'immoler pour une question d'heures supplémentaires non payées". Mieux vaudrait ne pas insister dans un CV sur ses origines arabes, malgré ou surtout à cause des révolutions égyptiennes, libyennes et syriennes. "Même si ça fait partie de notre culture et qu'on aime bien tout ce qui est démocratie, liberté d'expression et tout ça, en France on n'aime pas les emmerdeurs" jette crument un recruteur qui préfère garder l'anonymat. Globalement, dans le milieu du travail, mieux vaut ne pas avoir l'air trop maghrébin. Malgré, et peut-être finalement à cause de cette aspiration à disposer d'elle même, ce qu'on appelait encore hier "la rue arabe" continue de faire peur à certains. Car le risque existe que les "révolutions arabes" se transforment en "révolutions françaises". Mehdi Belhadj Kacem, philosophe et auteur entre autres de l'essai "Le Marxisme, un marché de Nietsche ?", préfère pondérer les résultats de l'étude de l'Ifop : "il n'est pas sûr qu'être arabe ait déjà été à la mode. Peut-être dans les années 80, lorsque le genre blond, alors courant dans les photos de mode et dans les pubs, fut remplacé par le brun à moustache. Alors à cette époque les arabes ont sans doute représenté le dernier bastion de la virilité masculine, pour les femmes françaises s'entend". Pour le jeune homme né à Tunis, et au look très occidental malgré ses origines, le soulèvement arabe est surtout "une question d'éthique et d'esthétique" : "être à la mode aujourd'hui, c'est porter des cheveux longs, des pulls en col V, et des jeans slims. La révolte, arabe ou pas, c'est d'abord une histoire d'adolescents. Attendons que ces peuples atteignent l'âge adulte". Et Yves-Marie Cann de l'Ifop de rappeler une règle essentielle des études d'opinion : "ce sont les perceptions qui comptent, et ce sont elles qui finissent par construire la réalité". CQFD.  (Reportage : Djehida Zrek)

 
"Une nette amélioriation de l'image des arabes depuis les révoltes de 2011"
Ci-dessus, appel à la contestation pacifique au Maroc.